Le fond diffus cosmologique, du pur hasard à une résolution de catastrophe

Fan d’astronomie ou non, vous avez tous déjà entendu parler ou même vu l’image du fond diffus cosmologique (FDC ou rayonnement fossile), la première lumière de l’univers située à plus de 13 milliards d’années lumière de nous, provenant de toutes les directions.

Fond diffus cosmologique observé par le télescope spatial Planck

En dehors d’être une preuve très solide de l’existence du Big Bang, elle est aussi un sujet d’étude particulièrement important dans notre modèle et conception de l’univers

Mais savez-vous comment celui-ci a été découvert ? Comment est-ce que cette lumière est apparue ? Et surtout, pourquoi ce sujet est-il si intéressant pour notre modèle de l’univers actuel ?

Laissez-nous vous raconter comment deux personnes, qui ne savaient absolument pas ce qu’ils faisaient, ont reçu le prix Nobel de physique par pur hasard, et comment le FDC a permis de trouver une solution à une des plus plus grandes catastrophes de l’histoire de la physique.

Nous sommes dans la fin des années 40, Ralph Alpher, Robert Herman et George Gamow travaillent sur les propriétés de l’univers et se rendent compte que l’univers a été opaque pendant toute sa jeunesse, ne laissant donc pas passer la lumière. 

L’opacité de l’univers est dû à l’état de la matière à haute température. Au-delà de 3000°K, les électrons sont trop excités que pour pouvoir orbiter autour des noyaux d’hydrogène, élément présent en très grande majorité dans l’univers, le gaz est alors ionisé et est appelé plasma. Les noyaux et électrons se bousculent dans tous les sens et ne laissent alors pas passer la lumière.

Pourtant, 380.000 ans après la formation de l’univers, celui-ci passe enfin sous la barre des 3000 degrés, laissant alors passer les premiers rayons lumineux. De par l’expansion de l’univers, aujourd’hui, ce rayonnement se situe à environ 3 degrés au-dessus du zéro absolu.

Plus de 10 ans après les travaux de Ampher, Herman et Gamow, en 1965, Arno Penzias et Robert Wilson travaillent ensemble pour les laboratoires Bell sur une antenne cornet. Cette antenne est chargée de détecter des phénomènes radio-astronomiques et de communication par satellite.

Phénomène étrange, ils constatent que leur antenne capte un bruit radio, venant de toutes directions. Impossible de s’en débarrasser, peu importe la zone du ciel observée, toujours le même bruit. Pensant alors que le problème viendrait de leur antenne, ils iront jusqu’à nettoyer les déjections de pigeons de celle-ci.

Rien y fait, ils captent encore et toujours la même interférence radio, équivalant à une température d’environ 3.5 degrés au-dessus du zéro absolu.

Et oui ! C’est bel et bien le fond diffus cosmologique que Penzias et Wilson prenaient pour un « bruit ». Cette découverte accidentelle leur vaudra le prix Nobel de Physique en 1978 .

Comme quoi,  les grandes découvertes ne se sont pas faites à grand coup de « Eurêka » mais plutôt par des « tiens, c’est bizarre ça… »

Mais alors, en quoi est-il intéressant ? Et comment a-t-il résolu un problème gigantesque ?

En 1998, Saul Perlmutter, Brian P. Schmidt et Adam G. Riess observent des supernovas à des distances très lointaines. Les supernovas sont employées par les astronomes comme points de référence dans les calculs de distances.

En calculant la position de ces supernovas et leur vitesse, ils se rendent comptent que celles-ci s’éloignent plus rapidement que prévu de nous. Le fait que ces supernovas (et leur voisinage) s’éloignent plus rapidement que prédit par le modèle de l’univers d’époque ne peut être expliqué que par une seule chose: l’expansion de l’univers s’accélère ! Ces trois physiciens recevront le prix Nobel de Physique en 2011 pour « la découverte de l’accélération de l’expansion de l’univers par l’observation de supernovas lointaines ».

Seul problème, pour que l’univers accélère, il faut lui appliquer une « force » et donc lui fournir de l’énergie ! Mais où est donc cette énergie ? Une réponse avancée par les scientifiques ne se trouve non pas dans les télescopes cette fois, mais dans les microscopes, plus précisément dans la mécanique quantique.

La mécanique quantique est une discipline parfois très peu instinctive et pleine de « je ne comprends plus rien », c’est notamment le cas avec le phénomène de fluctuations quantiques. Selon la mécanique quantique, un espace vide de toute particule ou de rayonnement n’est plus vraiment « vide ». Si on prend en effet une zone de l’espace dénuée de toute matière et de rayonnement, il apparaîtra naturellement des paires de particules et antiparticules qui vont presque instantanément disparaître en s’annihilant. Ce phénomène est appelé « fluctuation quantique du vide »

Pour que ces particules puissent apparaître (grâce à E=mc2 d’ailleurs), il est nécessaire qu’elles empruntent de l’énergie à leur milieu, c’est-à-dire… le vide. Et oui ! Le vide n’est non seulement plus vide mais possède aussi une énergie, ce phénomène de fluctuations quantiques est tellement important qu’il constitue environ 90% de la masse du proton et du neutron et donc de notre masse ! Et c’est justement cette énergie du vide qui a est candidate pour l’énergie responsable de l’expansion de l’univers. Il « suffit » alors de mesurer la densité de l’énergie du vide et de l’appliquer à l’univers en entier.

Cette mesure de la densité d’énergie du vide est une des meilleures mesures de toute l’histoire de la physique moderne, avec une précision de l’ordre de 1 sur 100 millions. Mais, en appliquant les mesures à l’univers entier, les physiciens trouvent que l’énergie du vide vaut 10120 fois la quantité d’énergie classique de l’univers… 

1.000.000.000.000.000.000.000.000.000.000.000.000.000.000.000.000.000.000.000.000.000.000.000.000.000.000.000.000.000.000.000.000.000.000.000.000.000.000.000.000 de fois toute l’énergie de toute la matière de l’univers connu, avec de telles valeurs, l’univers se serait trop étendu dans sa jeunesse ce qui aurait empêché les galaxies, les étoiles et la terre de se former. Pourtant, on est bien là sur terre, pour observer ces étoiles et galaxies !

Cette quantité énorme d’énergie du vide a jeté un pavé dans la mare de la physique, elle est considérée aujourd’hui comme une des pires prédictions de toute l’histoire de la physique et a eu comme surnom « la catastrophe du vide ».

« Comment a-t-on résolu le problème » vous diriez-vous peut-être ? C’est ici que le FDC entre en jeu ! Suite à la catastrophe du vide, il a été supposé que quelque chose devait contrebalancer l’expansion accélérée de l’univers dans son jeune âge, afin que les galaxies puissent apparaître. Il a donc été supposé que l’énergie totale de l’univers est nulle (la gravité pouvant avoir une énergie négative), c’est-à-dire que celui-ci est plat.

Une des façons de mesurer la courbure de l’univers est justement d’employer le FDC. En mesurant les variations de température du FDC et en les comparant avec celles supposées de l’univers primordial, il est alors possible de savoir si l’image que l’on perçoit de cette lumière est déformée, signe d’une potentielle courbure globale de l’univers.

Le télescope spatial Planck a ainsi été lancé en 2009, il permit de créer une carte précise du rayonnement fossile et ensuite de la comparer avec des simulations. 

Et… et ça marche ! L’univers semble similaire aux simulations d’un univers plat, il existerait donc quelque chose d’inconnu qui « ralentit » l’expansion de l’univers.

Comparaison entre le FDC observé (haut) et les modèles de l’univers

Un des meilleurs candidats actuels à ce « quelque chose » est la matière noire, matière encore aujourd’hui inconnue et interagissant très peu (voir pas du tout) avec la lumière. De par sa forte présence dans l’univers elle aurait ainsi attiré la matière classique pour former les galaxies que l’on peut observer aujourd’hui.

Plusieurs projets portant sur l’étude de la matière noire sont en construction, mais ça, c’est une autre histoire…

Les sources, ou même si vous désirez en savoir plus sur la cosmologie :

Image du CMB prise par Planck: https://www.esa.int/Science_Exploration/Space_Science/Planck/Planck_reveals_an_almost_perfect_Universe

Origines de la matière noire et énergie sombre: https://www.youtube.com/watch?v=UVk3_e7xSz4

Publication originale de Penzias et Wilson: https://articles.adsabs.harvard.edu//full/1965ApJ…142..419P/0000419.000.html

Sujets et lauréats des prix Nobels: https://www.nobelprize.org/

Livres de référence dont viennent une bonne partie des informations :

https://openstax.org/details/books/astronomy-2e , chapitre 29.2 “A model of the universe” et 29.4 “The cosmic microwave background”

https://howfarawayisit.com/wp-content/uploads/2020/12/How-Far-Away-Is-It-Book.pdf, chapitre 15 “Dark energy” et “Cosmic Background Radiation”

Lawrence Krauss, « A universe from nothing: why is there something rather than nothing », Free Press, Janvier 2012, chapitre 4 “Much to do about nothing”, chapitre 5 “The runaway universe” 

Vous aimerez aussi...